Êtes-vous dans le champ?

Bougeuse de regards autrement rivés sur l’écran, je vous présente ma chorégraphie du champ visuel. Suivez attentivement mes consignes, on part explorer votre champ. Je compte sur vous pour en faire l’interprétation à mesure!

(Peut-être préférerez-vous demander à Siri – ou à tout autre être cher – de vous faire la lecture de ce qui suit pour vous en faciliter l’exécution? Sinon, peut-être voudrez-vous installer une caméra pour filmer votre prestation? Peu importe, on y va.)

Regardez le plus loin possible derrière vous à gauche.

Plus loin encore, allez! Remarquez un repère dans le décor comme pour noter jusqu’où vous voyez.

Tournez-vous à droite maintenant.

Avez-vous vu au-delà de votre repère initial? Bravo, vous voyez à plus de 360 degrés autour de vous! Vous trouvez ça chouette jusqu’à ce que vous réalisiez que vous n’avez rien vu de ce qu’il y a au-dessus de vous.

OK, maintenant, arrêtez de regarder le plafond (ou encore, redressez-vous si vous êtes en train d’explorer jusqu’où porte votre regard par en-dessous).

On recommence la manoeuvre: regardez de chaque côté, mais sans bouger le corps, cette fois. Seulement le cou.

Gauche, repère.

Droite, repère.

Fait amusant, c’est le même repère des deux côtés, à peu de choses près! Vous saluez votre flexibilité cervicale pour ces 360 degrés.

Recommencez… mais sans bouger la tête. Attention je vous surveille par votre webcam, croyez-moi.

Gauche, repère.

Droite, repère.

Oh là! Pourquoi vous regardez par en bas? Vos paupières sont à moitié closes!

Avouez qu’en faisant le même exercice en l’air, vous vous butez rapidement à vos arcades sourcilières…

DanseAeroportuaire
(source: https://lc.cx/msYs)

Vous devenez curieux d’évaluer la véritable limite de votre champ visuel… Vous étendez votre bras gauche devant vous et le suivez des yeux vers la gauche – sans bouger la tête – jusqu’à ce que vous commenciez à le perdre de vue. Ok, gardez-le ainsi en place et faites la même chose avec le bras droit.

Au fait, combien de vos bras voyez-vous à l’instant? Même si vous arrivez encore à les apercevoir tous les deux, vous n’en voyez, dans les faits, plus qu’un à la fois.

Maintenant, regardez droit devant vous.

Tiens, vos bras ont tous deux disparu!

Toujours en fixant droit devant vous, approchez vos bras tendus vers l’avant, tout doucement, jusqu’à les voir réapparaître.

OK, vous pouvez regarder et vérifier quel arc décrivent vos bras. Oui, oui, c’est correct de tourner la tête pour mieux voir. Ça fait quoi, pas loin de 180 degrés? Comme quoi même en regardant les choses en pleine face, on tourne encore le dos à la moitié du monde.

Ramenez votre regard tout droit vers l’avant, les bras toujours tendus aux limites de votre champ visuel, puis reculez-les un peu jusqu’à les avoir perdus de vue.

Agitez vos doigts. Les voyez-vous émerger? Les pressentez-vous un brin? Vous savez que vous les bougez, bien sûr, n’empêche que votre rétine aussi semble le savoir.

Reculez encore un peu vos bras jusqu’à les perdre complètement malgré le mouvement des doigts. Vos épaules vous le permettent-elles?

Vérifiez l’arc que forment vos bras. Auriez-vous gagné quelques degrés? Ah, la vision périphérique est au moins aussi mystérieuse que la vision de nuit.

Fermez l’oeil gauche. Gardez le bras droit ainsi tendu à l’extrême, mais ramenez doucement le bras gauche vers l’avant jusqu’à ce que vous le voyiez apparaître.

Ouvrez les deux yeux.

C’est fou tout ce que votre nez vous cache, hein? Pinocchio ne vient pas de rien.

Le bras gauche ainsi tendu vers l’avant, fermez maintenant l’oeil droit et rapprochez votre bras droit vers le centre jusqu’à son apparition.

Ouvrez les yeux.

Votre champ visuel binoculaire se trouve entre vos bras. Tout ce qui est à l’extérieur de ceux-ci n’est perceptible que par un seul oeil. Entre vos mains repose donc la troisième dimension – que vous trouvez d’ailleurs plutôt mince.

Fixez votre regard sur un mot précis au centre de ce paragraphe-ci. Quel mot avez-vous choisi? Essayez de lire les autres mots qui sont tout autour, mais sans quitter du regard ce mot que vous avez choisi. Pas facile, votre regard se promène un peu, mais concentrez-vous et fixez-le fermement. Avec vos bras, que dis-je, avec vos doigts, pointez à gauche le premier mot lisible et à droite, le dernier.

Vous avez entre les doigts votre précieuse zone fovéale, remerciez-la sans fin car vous lui devez beaucoup, notamment tout le plaisir et les connaissances acquises par la lecture.

Vous êtes un peu embêté par la vision double que vous aviez de vos doigts.

Les deux yeux ouverts, fixez ici un mot entre deux doigts, puis fermez un oeil et lisez le mot qui vous apparaît alors.

Changez d’oeil et lisez. Le mot aussi a changé. Votre oeil dominant est celui qui vous a fait voir le mot que vous fixiez initialement les deux yeux ouverts.

Finalement, à bien regarder, vous voyez bien que vous ne voyez pas grand chose, pensez-vous. Et pourtant, vous vous sentez clairvoyant de l’avoir constaté de vos propres yeux.

Vous regardez autour et le monde vous apparaît différemment.

Miracle, vous percevez votre vision.

 

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Ce serait vraiment intéressant de vous voir interpréter la chorégraphie du champ visuel. Si le coeur vous en dit, partagez votre vidéo sur notre page Facebook avec mention #Paysageographe, merci!